Je suis resté si longtemps loin de ce blog que j’en ai même, par moments, oublié l’existence. Mes diverses activités professionnelles accaparent l’essentiel de mon temps et de mes capacités intellectuelles, les deux d’ailleurs fortement entamés par les interminables et abêtissantes heures de conduite sur l’autoroute Casa-Marrakech. Les préposés au péage et les gendarmes me reconnaissent désormais, ce qui est rafraîchissant pour les premiers, et ruineux pour les seconds.
Sur mon temps libre, je m’occupe de la finition d’une petite maison que j’ai acquis, comme cela est de plus en plus courant à Marrakech, en « semi-fini ». Pour ma part, j’appellerai plutôt cela du « à peine entamé ». En tout cas, la qualité de la construction est tellement approximative qu’on ne finit pas vraiment la maison, on la recommence.
Armé de patience et d’un crédit à long terme, je me suis ainsi lancé avec entrain dans la pittoresque gestion des divers corps de notre artisanat qui partagent tous le même amour du travail bien –mais très lentement- fait.
Il n’est donc pas étonnant que, au lieu d’activités intelligentes comme la mise à jour d’un blog, j’emploie mon « cerveau disponible » à des pratiques bien moins épuisantes sur le plan neuronal comme errer sur Facebook ou m’administrer des saisons entières de « Dr House » en intraveineuse.
Ma dernière (vraie) note remonte donc au tout début de l’année 2008, époque lointaine et bénie où le pétrole se vendait au prix dérisoire de 90 dollars le baril. Depuis, le monde a lentement glissé dans une ambiance où règne le doute et l’incertitude. Les convictions d’hier s’effondrent l’une après l’autre.
Les biocarburants sont la solution à la crise énergétique ? Non , ils sont la cause de l’explosion des prix des denrées alimentaires et font planer la menace d’une famine mondiale (le maïs nécessaire à la production du biocarburant d’un seul plein de SUV californien suffirait à nourrir toute une famille mexicaine pendant une année).
L’économie mondiale est entrée dans une phase croissance continue ? Non, le crash financier nous guette et nous entrerons bientôt dans une période de dépression économique qui nous fera regretter la crise de 1929 (et on nous ne pourrons même pas brûler les surplus de café dans les locomotives pour se défouler puisque, premièrement, il n’y a plus de locomotives à vapeur, et, deuxièmement, il n’y aura plus de surplus de rien du tout).
L’Italie a tourné la page de Berlusconi ? Et non, le voilà de retour, plus lifté et liposucé que jamais. Avec ses amis de la Ligue du Nord, ils nous promettent de chaudes années sous le radieux soleil de l’Italie.
Et ce ne sont que quelques exemples. Même notre paisible ville de Marrakech n’est pas en reste.
La folle expansion du tourisme ne serait-elle pas entrain de se ralentir ? Mais non, quelle idée ! Avec des hôteliers qui vendent des prestations de second ordre au prix des plus beaux palaces de Dubaï, la destination restera évidemment toujours aussi attrayante.
L’immobilier va-t-il s’effondrer ? Mais non, pourquoi s’alarmer ? Des milliers d’appartements à 2500 euros le m² et des villas à 500.000 euros trouveront toujours acheteurs dans un pays où le SMIG est autour de 180 euros, et où le salaire moyen n’est pas beaucoup plus élevé.
Après de folles années d’optimisme béat et baveux, l’année 2008 est arrivée, déguisée en Tektonic, désarticuler et secouer toutes ses belles convictions et certitudes. Pour filer cette sympathique métaphore, le monde est comme ces grotesques danseurs en T-shirt rose fluo et cheveux en balai de chiottes publiques : il ne sait plus sur quel pied danser.
Vous comprendrez donc facilement que, dans ce monde si précaire et instable, je préfère, au lieu de réfléchir, regarder des épisodes de Dr House. Lui au moins, il fait toujours le bon diagnostic et trouve le bon remède. Le patient a beau convulser et frôler la mort, il sort toujours de l’hôpital bon pied bon œil retrouver les siens émus et ravis.