Très occupé ces derniers jours, je n’ai suivi l’actualité que de très loin. Je savais vaguement qu’une polémique enflait sur des propos prétendument hostiles à l’islam du Pape, mais je n’ai pas eu le temps de me pencher sur la question.
Ce matin, j’ai reçu un mail de Blaise qui me conseillait d’aller sur ce site pour avoir un bon résumé de l’affaire. Cela m’a donné envie d’en savoir plus.
Pour me faire une opinion, j’ai pensé que revenir au texte initial, à ce fameux discours du pape serait un bon départ. Après quelques recherches sur google, j’ai trouvé celui-ci sur le site du vatican. Malheureusement, il n’est disponible qu’en anglais, italien ou allemand, et aucune traduction française intégrale ne semble encore circuler sur le net.
Après avoir lu le discours en entier, j’ai du me rendre à l’évidence que cette polémique est certainement l’une des plus stupides que nous ayons connu depuis longtemps. Elle n’a tout simplement pas de raison d’être : il n’y a ni propos hostiles, ni attaque frontale contre l’islam, ni encore moins volonté de « provoquer ».
Si le pape avait vraiment calomnié l’islam, j’aurai été le premier ici à m’indigner et à marteler qu’il fallait mettre fin à l’ignorance occidentale de l’islam, aux amalgames entre une religion de paix et de compassion (celle d’Averroes, Ibn Arabi ou de Hallaj) et son interprétation violente et obscurantisme. Mais là, force est de constater qu’il n’y a pas de calomnie.
Au fait, il ne s’agit même pas d’un discours. C’est une conférence savante donnée devant un parterre d’universitaires.
Le pape ne fait que citer un très court extrait d’un texte de l’empereur byzantin Manuel II (1391) dans lequel celui reproche au prophète de vouloir propager sa foi par la violence. Mais le pape rappelle dans le même paragraphe la sourate coranique qui dit que « il ne peut y avoir de coercition en religion ». Benoit XVI n’a donc pas calomnié l’islam. La citation de Manuel II n’était pas censée refléter son opinion personnelle, elle n’était même pas convoquée pour étayer ou conforter une argumentation, elle était une sorte d’accroche, de point de départ au développement du contenu savant de la conférence.
Certes, la conférence va dans le sens d’une démonstration de la supériorité du christianisme. Mais faut-il s’en étonner ? C’est tout de même la plus haute autorité de l’église catholique qui parle. Ce n’est pas un instituteur de l’école laïque qui doit rester neutre et objectif. Le pape ne fait que son job en défendant le culte dont il est le guide. On ne peut exiger d’un pape (ni d’un quelconque croyant d’ailleurs) de dire que toutes les religions se valent. Pour chaque croyant, au fond de lui-même, c’est sa religion, sa voie, qui détient la vérité…mais cela ne l’empêche pas forcément de respecter les autres croyants et leurs dogmes, et de leur reconnaître le droit de pratiquer leur religion librement.
Seule la bêtise humaine a pu faire de ce non évènement une « affaire » considérable qui peut avoir des répercussions dramatiques.
Les correspondants des grandes agences de presse occidentales ont ouvert le bal. La conférence était (et devait rester) sans aucun intérêt pour les médias. Par acquis de conscience, les agences ont envoyé quelques stagiaires déficients mentaux en faire la couverture. Ceux-ci n’ont rien compris aux développements théologiques et philosophiques du pape mais ont été réveillés de leur sommeil comateux par les mots « islam » « violence »… Quelques heures plus tard, les rédactions du monde entier ont été noyées par les dépêches titrant sur le « dérapage du pape » et citant les mots de Manuel II sans rappeler le contexte et sans signaler que le Pape n’a à aucun moment exprimé son accord avec ces affirmations.
Que ce soit par incompétence ou par sensationnalisme, les agences ont commis une erreur professionnelle gravissime.
Presse et télévisions occidentales, médias arabes, hommes politiques et autorités religieuses, tout le monde s’est rué sur le faux scoop pour le relayer, le commenter et s’en indigner sans jamais faire l’effort de revenir au discours original du pape. Mais qui a envie de lire une conférence savante avec des mots compliqués ? Par paresse intellectuelle, ces « élites » ont attisé la flamme, et le pétard mouillé s’est transformé en brasier qui enflamme désormais la rue musulmane.
Chauffés à blanc par des médias irresponsables et incompétents, certains de nos coreligionnaires, jamais à court de drapeaux ou d’effigies grotesques à brûler, sont descendus dans la rue hurler leur indignation, donnant une nouvelle fois une image pitoyable de l’islam. A chaque fois que cette catégorie de musulmans prétend « défendre » l’islam, elle ne fait que l’accabler encore plus par des réactions violentes et stupides (pour s’indigner ensuite que l’occident ait une « mauvaise image » de l’islam ).
Cette affaire nous invite à nous remettre en question. Nous protestons violemment contre des attaques parfois imaginaires contre notre religion, mais, en même temps, nos médias, les prêches télévisuels de certains de nos imams (sur Iqraa par exemple) sont remplis d’attaques contre les autres religions.
Nous avons le droit d’exiger que nos croyances soient respectées mais nous devons, de la même façon, cesser de brocarder les dogmes des autres religions.
Si à chaque fois qu’un imam raille les dogmes de la trinité et de la résurrection, des chrétiens font exploser une mosquée, nous seront rapidement en pénurie de lieux de cultes.