Voici la retranscription fidèle (un brin résumée) d’un dialogue que j’ai eu ce matin avec un agent du fisc marocain.
Pour vous mettre dans l’ambiance, il faut que vous visualisiez le décor : un bureau encombré de papiers, des déclarations fiscales qui s’accumulent sur les bureaux et les chaises, certaines traînent sur le sol.
Moi : Bonjour
Agent : Bonjour
Suit une longue série de salamalecs. Nous avons beau être dans une administration fiscale, nous sommes marocains, et nous devons rester polis (bordel !)
M : Je suis venu vous voir pour une histoire toute simple. Vous nous avez enregistrés dans vos fichiers sous une activité erronée. Vous dites que nous sommes « collecteurs de plantes », alors que nous ne faisons pas ça.
A : Oui, ce sont des choses qui arrivent. Alors, vous faites quoi exactement ?
M : Nous conditionnons des thés et des plantes dans des sachets cousus. Vous connaissez les sachets de thé en papier normaux (je prends l'air dégouté que j'adopte à chaque fois que je parle de sachets de thés en papier) ? Ben, c'est la même choses, mais avec des sachets en coton, et cousus.
A : Ce sont des plantes que vous conditionnez dans vos sachets, non ?
M : oui
A : mais avant de les mettre dans vos petits sachets, vous les collectez non ?
M : Non ! Nous achetons les plantes à des gens qui les ont déjà collectées. Nous, nous ne faisons que les conditionner
A : moui…mais vous savez, moi, je ne peux me baser que sur la nomenclature officielle (il me montre une brochure). Là-dedans, il y a toutes les activités qui existent. Je ne peux pas en inventer d’autres. Et là dedans, il n’y pas « conditionneur de plantes dans de petits sachets »
M : mais il doit y avoir des choses qui s’en approchent, non ? Je ne sais pas moi : « Industrie de transformation alimentaire » ?
A : attendez voir. Dans ma brochure, à industrie agro-alimentaire, je n’ai que « fabricant de conserves alimentaires ». Vous faites des conserves, vous ?
M : Non.
A : donc, vous n’êtes pas « fabricant de conserves alimentaires », et donc vous ne faites pas de l’industrie agroalimentaire. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la brochure
M (après un moment de silence) : bon. Vous savez, le cœur de notre activité, c’est la fabrication de ses sachets. Nous achetons du tissu et du fil, nous avons des machines à coudre et des couturières, mettez-nous dans « Industrie textile ».
A : vous faites des pantalons ?
M : Non
A : vous faites des chemises ?
M : Non
A : vous faites d’autres types d’habits ?
M : non
A : donc arrêtez de raconter n’importe quoi. Vous ne faites pas d’industrie textile
M (résigné) : vous proposez quoi alors ?
A (après un bref, mais intense, moment de réflexion): Vous achetez du thé et vous le vendez. Donc vous êtes marchand de thé.
M : Attendez, vous oubliez un détail. Il y a pleins de choses qui se passent au milieu. Nous ne sommes pas marchands, nous faisons de l’industrie.
A : Est-ce que vous niez que vous achetez du thé ?
M : non
A : est-ce que vous niez que vous en vendez ?
M : Non
A : Les gens qui achètent et qui vendent, ce sont des marchands. Vous êtes des marchands de thé.
M : mais acheter et vendre, c’est une fonction de notre société. Ce n’est pas son activité.
A : ne m’embrouillez pas. Vous faites de l’achat de la vente, c’est tout ce que je veux savoir. Et c’est vous vous qui l’avez dit. Je n’invente rien.
M : Attendez, nous avons des comptables dans notre entreprise. Est-ce que cela veut dire que notre activité, c’est « cabinet de comptabilité » ?
A : Je ne vous parle pas de comptabilité. Je ne m’intéresse pas à votre comptabilité. Pas encore.
M : Je crois que je vais prendre un autre exemple. Une usine de voitures, elle achète du fer, non ?
A : oui
M : et après, elle le revend dans ses voitures, on est bien d’accord ?
A : oui
M : donc, si je suis votre raisonnement, ce ne sont pas des fabricants de voitures, ce sont des « marchands de fer ».
A : ….
(puis, au bord des larmes)
A : puisque je vous dis que ce n’est pas dans ma nomenclature !
M : mais on fait quoi alors, on continue à tourner en rond comme ça ?
A : vous ne voulez vraiment pas être « marchands de thé » ?
M : Non ! Nous ne sommes pas une épicerie. Et puis, je vous connais, après, vous allez nous taxer plein pot pour l’impôt des patentes
A : je n’y comprends rien à vos histoires. Il faut me laisser du temps pour réfléchir. Revenez dans quelques jours.
Tout ça est authentique. Même pour un optimiste invétéré comme votre serviteur, ces d’expériences sont réfrigérantes. Comment créer le « désir d’investir » avec une administration fiscale aussi bornée, archaïque et déconnectée du monde de l’entreprise ?
Ahlàlà, ces marchands de thé, ils veulent jamais nous comprendre, nous honnêtes fonctionnaires...
Rédigé par : Meriem | 07/06/2006 à 18:53
Oui. Cela dit mon cher Lebaroude qu'est ce que c'est que ces investisseurs sans foi ni loi qui vienne investir dans notre pays dans des secteurs qui n'existent meme pas dans la brochure des impots? Je trouve que c'est une honte. Tu avais besoin de faire du thé? Non. si tu veux etre une industrie agroalimentaire la brochure te montre bien que tu dois faire des conserves de sardines! C'est comme ca l'investissement ca doit suivre des regles parce que sinon c'est la porte ouverte à toutes les fenetres. D'où la brochure! La solution: tu prend la brochure et tu refond l'activité de ton entreprise en fonction de ce qui est permis (si t'arrive a faire des sachets en coton tui peu bien faire des pantalons non?)
;) vive l'administration marocaine ;)
Rédigé par : le3zaoui | 08/06/2006 à 07:58
C'est d'une scène du film tout aussi kafkaïen Brazil.
Rédigé par : laaroubi | 08/06/2006 à 09:39
hi hi hi
Rédigé par : Blaise | 08/06/2006 à 10:16
laaroubi> trop Brazil, hahahaha.
Rédigé par : Zaz, je-me-bidonne | 08/06/2006 à 14:16
M : ...mettez-nous dans « Industrie textile ».
A : vous faites des pantalons ?
M : Non
A : vous faites des chemises ?
M : Non
A : vous faites d’autres types d’habits ?
..
Typiquement marocain et desolee lebaroude ca m'a fait rire.. fallait s'y attendre a ce genre de fchiscalites..
Sinon bravo pour le sang froid et bonne chance par la suite!
Rédigé par : mimokun | 10/06/2006 à 14:52
A mon avis, dans ce cas de figure, le problème ne vient pas du fonctionnaire lui même mais de l'administration en tant que telle. D'après la description que vous faites du dialogue, je constate, que le gars essaye plutôt de faire son métier le plus consciencieusement possible; il vous écoute, vous propose des solutions, il essaye simplement de vous mettre dans la case prévue par l'administration, si la case adéquate pour votre activité (très spécifique) n'existe pas il n'y peut rien ! je dirais même plus que ce n'est même pas la faute de l'administration elle même, si vous êtes le premier à pratiquer ce genre d'activité comment voulez vous qu'elle l'ait déjà prévue d'avance ?
Je n'essaye pas de défendre à tout prix l'administration marocaine qui a bien des défauts connus de tous, mais c'est également notre devoir de citoyen de critiquer à bon escient et de façon constructive. En l'espèce vous étiez devant un dysfonctionnement manifeste, ce qu'il aurait fallu très rapidement faire c'est de se demander s'il n'existait pas un moyen de créer de nouvelles "cases" et essayer de faire actionner ce levier; bon connaissant notre administration, je concède que cela risque "compliquissime" pardonnez le néologisme, mais cela est une autre histoire.
Si vous vous adressez à la mauvaise personne, vous jugerez toujours que notre administration est inefficace et vous aurez un dialogue de sourd, un fonctionnaire applique en général des procédures très rigides et il lui est impossible d'en sortir, le problème est souvent ailleurs.
Cordialement
c'est normal que le gars agisse ainsi, le
Rédigé par : Farid | 23/06/2006 à 14:48
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Rédigé par : | 13/10/2009 à 07:20